Le périple d’Alban à vélo – Partie 3 : Son retour en Belgique – Traversée de l’Espagne

Posted by: Naomi Category: Non classé 0 Post Date: 2020-08-13

Le périple d’Alban à vélo – Partie 3 : Son retour en Belgique – Traversée de l’Espagne

Alban, jeune belge de 26 ans, est parti avec le SVI sur un projet de volontariat en Espagne . Pour rejoindre son projet, il n’a pas choisi d’y aller en train, ni en avion, ni en voiture. Et non, il a décidé d’enfourcher son fidèle compagnon à deux roues, son vélo. C’est en septembre dernier qu’il débutera son aventure pour arriver le 21 février en Andalousie afin de commencer son volontariat. En mai, pour son retour en Belgique, Alban est également rentré en vélo malgré un contexte sanitaire complexe. Mais cela ne l’a pas empêché de vivre une traversée inoubliable !

Lors de son périple Alban a pris le temps de vivre, de se retrouver, mais aussi de rencontrer, de questionner, de découvrir… Avec lui, nous verrons que le voyage ce n’est pas seulement la destination à atteindre mais bien l’aventure qu’on vit tout au long de la route.

Lors des deux précédents articles nous avons pu suivre le trajet aller d’Alban pour rejoindre son projet en Espagne et plonger avec lui au cœur de son volontariat au sein de la communauté de Cortijo los Baños auprès de l’association Al Hamam .

A travers ce troisième article, nous allons l’accompagner en enfourchant avec lui son vélo pour suivre son retour en Belgique. Afin de profiter de la richesse de ses textes, le témoignage de son retour sera divisé en deux articles : le premier retracera son trajet jusqu’au passage de la frontière française puis dans un second nous suivrons son périple en France jusqu’à la Belgique !

Bonne lecture !

19- 20 mai 2019 : une première nuit mouvementée

Journée de remise sur pied, je suis parti vers 11h après la cérémonie du matin: le Darshan. J’ai pris le temps de dire au revoir à chacun, parce que leur présence me portera dans mes moments de solitude.

Je roule sous le soleil de 13h, et malgré qu’il fasse quelques 30 degrés j’avance d’un bon pas.

Ensuite je passe l’une des pires nuits de mon voyage. Je m’arrête près d’une cueva, une cavité creusée dans une roche friable. Je n’ai jamais dormi dans ce genre d’endroit et la fraîcheur qu’il y a dedans ne me fait pas hésiter longtemps.

A l’intérieur, la terre a coulée par les portes et les fenêtres. Au point que celles-ci sont bloquées. Des objets de la vie quotidienne sont emprisonnés dans plusieurs centimètres de terre. La terre a pris l’endroit et personne n’est venu visiter le lieu depuis un temps.

Pendant la nuit je me rend vite compte qu’il y a trop de moustiques pour dormir sans tente. Entre temps, plusieurs voitures s’arrêtent juste devant la cueva, ça doit être pour la vue, les amoureux viennent l’admirer. Mais parfois ça ne marche pas, surtout quand la femme hurle à son copain de revenir (il était parti avec la voiture l’enfoiré).

Moi, j’essayais de dormir.

C’est en allumant la lampe que je fais la rencontre de mes voisins de chambre : des opilions, des blattes et des ténébrions. Des insectes en somme, qui courent vers ma lampe, qui volent jusque dans mes cheveux. Ou qui s’accouplent.

Une solution : ma tente. Je la deploie énergiquement et voilà que les deux oisillons qui logeaient dans le toit (les mêmes qui ont chié sur mon matelas ), sautent du nid et s’envolent en tout sens. L’un, perdant ses plumes après s’être heurté aux murs, finit par trouver la sortie. L’autre s’ampètrant dans des toiles d’araignées (ou d’opilions ?), échoue finalement dans une salle voisine complètement sombre.

Enfin je m’endors aux doux sons des cloportes qui font tomber de la terre sur ma toile de tente…

21 mai : J’ai perdu une chaussure aujourd’hui

J’avais mis mon autre paire de chaussures à l’arrière de mon vélo sous la grosse fonte. J’y avais mis une pomme dans l’une et deux pommes dans l’autre (faute de place dans les fontes).
Évidemment la chaussure que j’ai perdue était celle qui contenait les deux pommes.
Au moins cela fera un heureux (pour les pommes, pas pour la chaussure).

22 mai : Flash Back

Ce matin en me levant j’assiste au cortège de camionnettes de Nord Africain allant travailler dans les vergers de pêches et de vignes.

Le soleil n’est pas encore levé que les voitures se pressent sur cette route qui ne va nulle part et qui pourtant amène beaucoup  de gens à certaines heures très précises de la journée.

Bordé de chaque côté de serres et de vergers intensifs, je me questionne sur quel type de travail je serais prêt à accepter, je me revois ouvrier horticole ou élagueur me levant à 6h pour un travail qui n’avait pas de sens à mes yeux (couper des arbres). Je restais plus par dépendance des attentes de la société sur moi plutôt que par dépendance financière. Sûrement que tout le monde n’a pas le luxe de choisir.

 

3ème journée de vélo : j’ai quelques courbatures dans la nuque, je sens mes jambes un peu plus fatiguées, mes paumes sont rouges d’avoir tenu le guidon et mes yeux se fatiguent à force d’être plissés. Il est 12h, le soleil est proche de son zénith et je pense encore rouler une heure.

Dans ce désert de vergers et de terres sèches ; les pins apparaissent comme des champignons, leurs silhouettes se détachent du sol comme un appel à venir profiter de leur ombre.
C’est sous l’un d’eux que je me suis assoupi.

Pourquoi le moustique fait il du bruit en volant ?
C’est con parce que s’il ne faisait pas de bruit, il n’aurait peut-être pas fini écrasé sur mon bras.
Je m’imagine mal comment cette caractéristique a pu vaincre les millions d’année d’évolution et exister encore à l’heure actuelle.
Peut-être qu’au temps des dinosaures le moustique faisait un bruit de moteur de tondeuse à gazon ?

Aujourd’hui encore je mange le lomo (saucisson de porc ibérique) que je traîne depuis Cortijo los Baños. Il a chaud et il faudrait que je le termine vite.
J’essuie le couteau sur ma jambe parce que finalement c’est peut être la partie la plus propre de mon corps.

23 mai : Une ville pas très accueillante

En arrivant à Albacete vers 12h. Je me suis rendu compte que je ne voulais pas rentrer en ville et, qu’en plus de cela, je ne m’y sens pas bienvenu.
Tous les gens portent des masques et je pense que c’est la région la plus stricte que j’ai rencontrée depuis Cortijo.
La région est en phase 1 depuis une semaine seulement. Alors que Madrid sa voisine est toujours en confinement complet.
La ville paraît plus calme plus vide que lorsque j’étais venu en hiver, sans compter le cortège de voitures klaxonnant et arborant des drapeaux espagnols. C’était une manifestation du parti d’extrême droite VOX. Sympa l’accueil.

A Albacete j’ai dormi à l’hôtel parce que je devais prendre une douche. Et n’ayant pas trouvé autre chose, j’ai payé  27 EUR la nuit. Ça fait cher la douche quand même.

24 mai : Des maisons dans la falaise

J’aime bien les dimanches parce que ce sont les jours de sortie des cyclistes, alors je fais souvent des rencontres, parfois ils s’arrêtent à côté de moi et on discute.
Suivant les conseils d’un de ces cyclistes ; je suis passé par la vallée du rio Jucar, qui, selon lui, est l’un des plus beaux endroits d’Espagne.

Longeant la rivière la route serpentait entre deux parois abruptes de cette roche friable, commune dans la sud de l’Espagne. Les maisons étaient tout contre la falaise et, parfois, j’imaginais des pièces se prolongeant jusque dans la falaise. L’ombre y était abondante et je ne souffrais pas du vent de face.
Une fois sorti de cette vallée, le vent de face me freinait, mais j’ai malgré tout fait 90 km.

Je n’ai pas fait de longue pause entre 14 et 17h pour éviter la chaleur. A la place je me suis arrêté dans un village et ai bu une bière en compagnie des aïeuls du village.

Ma tente je l’ai plantée dans une vallée magnifique à l’écart de la route où il ne passe personne et entourés de résineux.

25 et 26 mai : Les premières montagnes avant les Pyrénées

Je pense avoir pris le rythme de la journée parfaite pour rouler sous une température de 30 degrés.
Je me lève à 6h et fais une looonngue pause entre 14 et 17h, où je peux dessiner, lire, écrire ou tout simplement dormir. Je refais du vélo ensuite et ainsi je fais des journées de 80 – 90 km sans n’avoir l’impression de ne faire que du vélo.

Ces deux derniers jours étaient spéciaux parce qu’il a fait nuageux et que je suis passé par la montagne.
Donc j’ai du changer de stratégie.

Dans la “montagne” (ce qu’un belge appelle une “montagne”), j’ai eu beaucoup de mal à certains moments et j’ai cru abandonner.
De plus, si j’en bavais ici et maintenant je me verrais très mal passer les Pyrénées…
Finalement c’est une question de dosage : manger un peu, une petite sieste, un caca et c’est reparti !!
Les Pyrénées ce ne sera qu’une affaire de temps.

27 mai : Dernière étape dans les “petites montagnes”

Depuis quelques jours j’ai le rhume des foins, mon nez coule et j’ai des larmes plein les yeux.
Aujourd’hui, dans une descente à 8 % et longue de plusieurs kilomètres j’avais tellement les larmes aux yeux que je ne voyais plus rien.
Et à du 50 km/h ça peut faire mal.

J’ai tranquillement continué ma journée à la recherche de papier toilette et de crème solaire. Mais, tout étant fermé, je patienterai en me lavant les fesses dans la rivière et en mettant de l’huile de coco sur mes coups de soleil.

Aujourd’hui j’ai été me laver dans la rivière.
Je ne m’étais jamais lavé aussi vite! Il faut dire que l’eau était très froide et que la moitié du village voyait mes fesses.
C’était sympa.

28 mai : Une journée passée avec un manque d’énergie

Un manque d’énergie sûrement dû aussi à la fatigue accumulée depuis une semaine, aux coups de soleil aux cuisses et à un visage sec comme je n’avais jamais eu.
Mes nuits sont courtes et c’est difficile de dormir en journée avec la chaleur.
Aujourd’hui donc, je suis entré dans une pharmacie pour m’acheter de la crème hydratante, et je n’ai pas tout de suite remarqué les lignes noires au sol. Quand je m’approchais de la vendeuse pour lui parler, elle reculait d’un bond. Et quand je reculais… elle restait en place.
Si l’humeur avait été là on aurait presque pu en faire un jeu.
C’est après que j’ai compris que la ligne noire au sol signifiait la limite où j’étais sensé me tenir.

La nuit je l’ai passée au sommet d’une colline surplombant la route et le village de Caspe.

29 mai : Mequinenza, la ville aux rues aux lettres d’Alphabet

Aujourd’hui j’ai seulement pédalé le matin. L’après midi et la soirée je l’ai passée au bord du rio Ebro. J’ai été boire une petite bière au nouveau village de Mequinenza où les rues portent seulement des lettres : j’étais dans la rue H.
Le vieux Mequinenza a été sous les eaux quand ils ont construit le barrage sur le fleuve. Alors, en triple vitesse, ils ont construit le nouveau Mequinenza et ils ne se sont pas foulés pour les noms de rue.

Je me suis posé au bord du fleuve et m’y suis baigné.

30 et 31 mai : Mes derniers jours en Espagne je les passe en Catalogne, en montagne et sous la pluie

“Un català d’una pedra fa un pa” “Un Catalan, d’une pierre fait un pain”. C’est ce que m’a dit un vieux d’un village que j’ai rencontré avant d’entrer à Lerida. Il était catalan de souche et habitait le village depuis 50 ans.
On parlait d’Andorre, et quand je lui dis qu’Andorre est entre la France et l’Espagne, il me reprend pour dire : entre l’Espagne, la France et la Catalogne!
Juste avant que je ne parte, il me lance : “la prochaine fois tu viendras en voiture ! ”

Outre cette rencontre, j’ai passé les deux journées avec de la musique dans les oreilles. Parce que mine de rien, pour les montées ça motive beaucoup !

1er  juin : Quelle aventure cette journée !

L’orage de cette nuit m’a rappelé qu’une tente n’est pas toujours étanche.
J’ai été contrôlé deux fois par la police, une fois à un barrage à l’entrée d’un petit village, la deuxième fois parce que je faisais une sieste au milieu d’un chemin de terre et qu’ils devaient passer. L’un me demande où je vais et me dit que je ne peux pas passer la frontière, l’autre me sourit et sous-entend qu’il ferait bien un voyage de ce genre.
Et puis il y a ce geste : celui du pouce et de l’index qui se frottent. Le premier, derrière ses lunettes de soleil, me dit : “t’as beaucoup d’argent pour faire cela hein?”
Je lui réponds : “pas plus que toi. J’ai travaillé, maintenant je voyage.”

Arrivé au petit village où j’avais prévu de m’arrêter, je continue un peu pour trouver un endroit où dormir.
Dans la montée qui quitte Martinet, mon porte bagage arrière se casse. J’essaie de le réparer, je cherche un colson dans mes fontes et me rend vite à l’évidence : ce ne sera pas possible de le réparer seul.
Je redescend au village et passe de l’épicier, au petit magasin de bricolage, pour finir à la boulangerie où l’on me dit qu’il y a un garagiste juste derrière.
J’y vais, plein d’entrain.
Il ne peut pas souder, parce que mon cadre est en aluminium.
Alors, il me propose de dormir dans le village, dans un espace pour caravane, et le lendemain il m’aura refait la pièce pour 5 euros.
Je me rends compte que j’ai eu énormément de chance que mon porte bagage casse dans ce village.

02 juin : Le passage de la frontière

Je termine mon ascension des Pyrénées tranquillement.
Je monte jusqu’aux stations de skis, je passe à 10 km d’Andorre.
En m’approchant de la frontière, j’ai quelques doutes sur la possibilité de la passer. Je passe le barrage espagnol.
Et voilà qu’arrive le barrage français, sans masque, ils me font signe de m’arrêter et me demandent où je vais.
Le même scénario se répète. L’une demande où je vais, l’autre dit que je ne peux pas passer et enfin un autre arrive avec un papier que je remplis d’une croix, d’une date et d’une signature. Et hop! l’affaire est réglée et je peux passer.
Finalement les choses paraissent toujours plus compliquées quand je les pense.
Je m’arrête au premier magasin de biscuits et parler en français me fait tout drôle.
Je sens que je me rapproche de mon pays. Et aussi que mon voyage est sur la fin.

Ce soir je dors dans un lit !
Dans une ferme, chez une famille d’agriculteurs, au chaud et à l’abri de la pluie, pour compenser ces dernières nuits!

MERCI ENCORE POUR CE TÉMOIGNAGE !

Photos et textes d’Alban.

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